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Bienvenue à la Croatie  !

Par Seppe Schoeters et Laurien Vandijck

Le 1er janvier 2023 a été un jour mémorable pour plus de 4 millions de Croates. La Croatie a introduit l'euro, devenant ainsi le 20e pays de la zone euro.

La zone euro accueille un nouveau membre ! Huit ans après l’adhésion de la Lituanie (en 2015), la Croatie est, depuis le 1er janvier 2023, le vingtième pays à adopter officiellement l’euro. Nous profitons dès lors de l’occasion pour vous présenter ce tout nouveau pays de la zone euro. 

Située dans le Sud-Ouest de l’Europe, la Croatie, et ses 56 610 km2 de terres, est presque deux fois plus grande que la Belgique. Outre le continent, la Croatie recense plus de 1200 îles dont quelques-unes sont des destinations de vacances populaires telles que Krk, Hvar et Brač. Au total, seules 48 de ces îles sont habitées. Malgré sa grande superficie, le pays ne compte que quatre millions d’habitants, soit environ un tiers de la population totale de la Belgique. Sa capitale Zagreb totalise à elle seule un million d’habitants. La Croatie abrite également une dizaine de sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, dont la ville médiévale de Dubrovnik, les lacs de Plitvice et le palais de Dioclétien à Split.  

Si la Croatie est aujourd’hui un état indépendant, il n’en a pas toujours été ainsi. Avant cela, le pays appartient effectivement à plusieurs grandes nations telles que l’Empire ottoman, l’Empire austro-hongrois ou encore, la république fédérative socialiste de Yougoslavie. En 1991, la Croatie se sépare de la Yougoslavie et déclare son indépendance. Le pays nouvellement créé est ensuite reconnu par la communauté internationale avant de devenir membre des Nations Unies en 1992.  

Immédiatement après son indépendance, la Croatie adopte le dinar croate en tant que monnaie. Comme cette dernière a la même valeur que le dinar yougoslave, les deux devises sont utilisées simultanément pendant un an. À partir de 1992, le dinar croate devient la seule monnaie légale du pays. La Croatie souffre toutefois d’une forte inflation en raison de la crise économique qui sévit alors en Yougoslavie. En menant sa propre politique monétaire, la Croatie réussit à stabiliser les prix et à constituer des réserves internationales. En mai 1994, soit sept mois après avoir ramené l’inflation à un niveau raisonnable, le pays introduit, lors de la célébration de sa fête nationale, une nouvelle devise officielle : la kuna. Aux côtés de l’hymne croate, de son drapeau et de son armée, la kuna complète la liste des éléments caractéristiques d’un état autonome. 

© wikimedia commons - Richard Mortel
Le gouverneur Boris Vujčić fait une déclaration à la presse devant le bâtiment de la Banque nationale de Croatie, à Zagreb, le 1er janvier 2023. © Zoran Marinovic for the EUropean Central Bank, licensed under CC BY-NC-ND 2.0

Bien que la Croatie ait demandé à devenir membre de l’Union européenne en 2004, il faut attendre 2013 pour que sa candidature d’adhésion soit approuvée. Néanmoins, il n’y a pas eu de passage immédiat à l’euro. Ce n’est qu’en 2017 que la banque centrale croate, en collaboration avec le gouvernement, commence à envisager avec prudence l’adoption de l’euro. Une feuille de route est dès lors établie pour une transition progressive et en douceur. Ce plan prend davantage d’ampleur en 2020 lorsque la Banque centrale européenne (BCE) accepte la demande de la Croatie et que celle-ci est admise au MCE-II, le mécanisme de change européen. La kuna bénéficie alors d’un taux de change stable (avec une marge de fluctuation de ±15%) par rapport à l’euro. En juillet 2022, la BCE fixe le taux définitif suivant : 1 euro vaut 7,53450 kunas. 

L’adhésion au MCE-II garantit la stabilité du taux de change ; il s’agit d’ailleurs d’une condition cruciale pour les pays qui souhaitent adopter l’euro. Le traité de Maastricht (1992) détermine les critères de convergence, c’est-à-dire les conditions requises pour rejoindre les pays de l’Eurosystème. Un taux de change stable constitue l’un de ces critères, mais la stabilité des prix et la bonne santé des finances publiques sont également essentielles. En juillet 2022, à la suite d’un rapport de convergence positif de la BCE, la Croatie reçoit le feu vert pour adopter l’euro.  

Avec le passage à l’euro, la Croatie dit non seulement adieu à sa propre monnaie, mais aussi à une partie des symboles nationaux représentés sur celle-ci. Car tous les billets en euros sont identiques pour tous les états membres de la zone euro. Les pièces, en revanche, laissent davantage de place à la contribution des pays sur leur face nationale. À quoi ressemblait donc la kuna et comment cette identité visuelle est-elle incorporée sur les nouvelles pièces en euros croates ? 

La kuna était la devise officielle de la Croatie, et une kuna pouvait être divisée en 100 lipas. Les termes « kuna » et « lipa » sont tous deux dérivés de la nature. Il s’agit donc d’une différence notable par rapport à de nombreuses autres monnaies, dont les noms se basent majoritairement sur des unités de poids (comme la livre, le dollar, le dinar, etc.). « Kuna » signifie « martre » en croate. Or, c’est à partir du Moyen Âge que la fourrure de cet animal devient une monnaie importante dans le Sud-Est de l’Europe. Quant au mot « lipa », il désigne le « tilleul », un arbre dont la symbolique est largement utilisée dans la mythologie slave.  

Les images sur les pièces en kunas et en lipas donnent un aperçu de la richesse naturelle, historique et culturelle du pays. Les pièces (1-2-5-10-20-50 lipas et 1-2-5 kunas) représentaient la faune et la flore locale comme un ours, un rossignol, des olives ou une vigne. Quant aux billets de banque (coupures de 5-10-20-50-100-200-500 et 1000 kunas), ils étaient ornés de Croates célèbres sur les rectos, et de villes et de lieux culturels emblématiques sur les versos.  

Le recto du billet de 50 kunas, très répandu, met à l’honneur le célèbre poète baroque Ivan Gundulić (1589-1638). Sur le verso, c’est la ville de Dubrovnik qui est mise en lumière. © Musée de la Banque nationale de Belgique

foto's: 2 euro: Ivan Šivak / 1 euro: Jagor Šunde, David Čemeljić and Fran Zekan / 50, 20,10 cent: Ivan Domagoj Račić / 5-2-1 cent: Maja Škripelj

 

Les préparatifs pour le passage de la kuna vers la monnaie unique ont commencé en 2022. Les effigies des faces nationales des pièces ont été choisies à l’issue d’un concours public de dessin. Le motif typique de l’échiquier des armoiries croates sert ainsi de fond à presque toutes les pièces.  

La pièce de 2 euros est axée sur la géographie de la Croatie tandis que la pièce d’1 euro fait référence à l’ancienne devise, la kuna, et montre une image stylisée d’une martre. Le célèbre scientifique Nikola Tesla, né à Smiljan, un village de l’actuelle Croatie, a également été choisi comme symbole pour les pièces de 50, 20 et 10 centimes d’euro. Quant aux plus petites pièces de 5, 2 et 1 centimes, ce sont les lettres HR qui sont représentées car il s’agit de l’abréviation de la Croatie en lettres glagolitiques. Cet alphabet est le plus ancien parmi les écritures slaves ; il méritait donc une place sur une des faces nationales croates de l’euro.  

Grâce à l’entrée de la Croatie dans la zone euro, les collectionneurs de pièces vont vivre un moment passionnant : partir à la recherche de pièces en euros avec la face nationale croate afin de compléter leur collection. Néanmoins, si vous n’êtes pas numismate, vous apprécierez probablement le fait qu’en tant que touriste, vous pourrez désormais payer avec de l’euro sous le soleil de la Croatie.